source:j ournal L'inclusif
Paru le vendredi 29 janvier 2010 sur Cyberpresse/La Presse
À noter que l'émission Puisqu'il faut se lever au 98.5fm présentait ce matin une entrevue avec madame Rose-Marie Charest, présidente de l'Ordre des psychogues du Québec ainsi qu'un commentaire du Dr Christiane Laberge sur le sujet.
Pour écouter ces extraits
www.985fm.ca/emission/puisquilfautselever/index.html
Source
www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/education/201001/28/01-944109-dyslexie-querelle-autour-dun-diagnostic.php
Dyslexie: querelle autour d'un diagnostic
Ariane Lacoursière
La Presse
Mère de trois enfants, Claire a toujours su que son fils cadet, Charles (nom fictif), n'était pas comme les autres. Lectrice elle-même, Claire lisait régulièrement des livres à ses petits et leur inculquait des notions de français avant leur entrée à l'école.
«Mais avec mon plus jeune, c'était différent. Je voyais qu'il avait des difficultés», raconte-t-elle.
Dès que Charles entre en première année, les craintes de sa mère se confirment. «Il avait de la difficulté dans ses devoirs. Mais l'école me disait: «Ne vous en faites pas, ça va passer», dit Claire. Mon fils était au bord de la dépression. Il me disait: «Maman, si c'est comme ça, l'école, j'aime mieux mourir.»»
Claire tente d'obtenir de l'aide de l'école, qui relève de la Commission scolaire de Montréal (CSDM). «Je voulais consulter une orthophoniste. Mais je me faisais répondre: «Il faut que votre fils accumule au moins deux ans de retard avant d'avoir ce service.»»
Incapable d'accepter que son fils perde tout ce temps, Claire consulte un neuropsychologue en cabinet privé. Le diagnostic tombe rapidement: son fils souffre de dyslexie. «À partir de ce moment, on l'a envoyé consulter une orthophoniste», raconte Claire, qui estime avoir dépensé plus de 1000 $ dans l'aventure. «C'est terrible de ne pas pouvoir compter sur l'école! Nous avions de l'argent, mais comment font les familles pauvres? L'enfant attend, il se décourage et il décroche»
Des cas comme celui de Charles sont fréquents au Québec, selon Marie-Claude Béliveau, orthopédagogue et psychoéducatrice à l'hôpital Sainte-Justine: «Les écoles prétendent souvent qu'il faut une conclusion de dyslexie avant d'avoir des services. Or, c'est faux. Plusieurs parents se font aussi dire que leur enfant doit accumuler deux ans de retard avant d'obtenir de l'aide. Pour le développement de l'enfant, c'est terrible.»
Le porte-parole de la CSDM, Alain Perron, assure que les élèves reçoivent des services même s'ils n'ont pas de diagnostic de dyslexie: «Nous faisons de la signalisation continue. Dès que quelque chose est noté, on intervient auprès de l'enfant.»
L'intervention ciblée pour la dyslexie ne peut toutefois se déployer que lorsque le diagnostic tombe. Or, actuellement, au Québec, il peut s'écouler plusieurs années avant que les écoles soient en mesure de fournir cette réponse. Jugeant inacceptable que le dépistage de la dyslexie ne puisse se faire dès la maternelle, des parents ont intenté un recours collectif contre le ministère de l'Éducation (MELS) et plusieurs commissions scolaires en 2005.
La cause étant devant les tribunaux, la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, a refusé de commenter le présent dossier.
Conflit entre ordres professionnels
Si plusieurs écoles tardent à offrir du soutien aux élèves dyslexiques, c'est que les services manquent, estime Mme Béliveau. «Certains enfants n'ont que 30 minutes d'orthophonie aux neuf jours!» Elle déplore aussi le fait qu'un conflit entre ordres professionnels a entraîné beaucoup de confusion dans les milieux scolaires. Qui peut conclure qu'un enfant est dyslexique? Une question qui semble banale, mais qui cause bien des maux de tête.
Au Québec, la loi 90 réserve aux orthophonistes «l'évaluation des troubles du langage, de la parole et de la voix dans le but de déterminer le plan de traitement et d'intervention orthophoniques». Les orthophonistes interprètent cette loi en disant qu'elle leur donne l'exclusivité sur toute conclusion de dyslexie.
Les psychologues et les orthopédagogues, qui diagnostiquent la dyslexie depuis des années, se sont vivement opposés à cette interprétation.
Pour calmer les esprits, le gouvernement a adopté la loi 21 l'été dernier. «Cette loi souligne que personne ne peut empêcher un professionnel de diagnostiquer dans son champ de compétence, et ce, même s'il y a des champs réservés. Donc, dans les faits, rien n'empêche les psychologues et les orthopédagogues de poser une conclusion de dyslexie», indique la présidente de l'Ordre des psychologues du Québec, Rose-Marie Charest.
Urgence d'agir
Mais certaines commissions scolaires exigent toujours l'avis d'un orthophoniste avant d'offrir des services aux enfants dyslexiques, affirme Mme Charest. «Chaque mois compte dans le développement des enfants. Qu'il y ait des délais, moi, je n'accepte pas ça.»
La porte-parole du conseil d'administration de l'Association des orthopédagogues du Québec, Carole Boudreault, confirme que les marches à suivre dans les commissions scolaires «varient grandement d'une région à l'autre». «Certaines acceptent nos conclusions, d'autres exigent une orthophoniste, dit-elle. Tout le monde est confus.»
Par exemple, à la Commission scolaire de Montréal, il faut la signature d'une orthophoniste, d'une orthopédagogue et d'une psychologue. «Les trois doivent rendre un avis», confirme le porte-parole Alain Perron
Même le MELS exige parfois exclusivement le sceau d'une orthophoniste. C'est le cas des enfants qui arrivent au secondaire et demandent une subvention pour l'achat d'un ordinateur, un outil indispensable pour certains jeunes dyslexiques. Il y a quelques semaines, Mme Charest a écrit au MELS pour dénoncer la situation. «On ne sait pas sur quoi le gouvernement se base pour faire ça», dit-elle.
La présidente de l'Ordre des orthophonistes du Québec, Marie-Pierre Caouette, reconnaît qu'il y a «beaucoup de confusion». «D'autant plus que le seul moyen d'avoir accès aux services, c'est d'avoir une étiquette, dit-elle. Or, souvent, les écoles se cachent derrière ça. Pas besoin d'avoir une conclusion officielle pour agir auprès d'un enfant.»
Mme Caouette reconnaît que même le MELS exige parfois l'avis d'un orthophoniste. Mais selon elle, cette décision n'est pas nuisible. «Prenons l'exemple de l'ordinateur. C'est un outil parmi tant d'autres. Ce n'est pas une panacée. Mais les parents sont très prompts à le demander. Si tout le monde pouvait signer cet avis, le gouvernement aurait trop de demandes et abolirait carrément ce service», croit Mme Caouette.
Même si elle pense que la conclusion de dyslexie doit «s'établir en équipe», Mme Caouette estime qu'il serait périlleux de prendre une décision sans une orthophoniste.
Mme Charest déplore cette position. «Il faut arrêter de mettre un frein à l'accessibilité. Plus on est de spécialistes dans ces dossiers, mieux c'est. Le sceau final devrait pouvoir être apposé par tous», croit-elle.
Les orthophonistes, les psychologues et les orthopédagogues travaillent actuellement de concert à l'élaboration d'un Guide interprétatif de la loi pour régler la question du dépistage de la dyslexie.
En attendant, la confusion règne toujours dans les écoles.
* Le terme «diagnostic» a été utilisé dans ce texte pour faciliter la compréhension. La loi réserve cet acte aux médecins. Dans le cas des orthophonistes, des orthopédagogues et des psychologues, le terme «conclusion» est généralement utilisé
Publié le 29 janvier 2010 à 06h50 | Mis à jour à 06h50 La Presse
Source
www.cyberpresse.ca/opinions/chroniqueurs/rima-elkouri/201001/29/01-944156-dyslexie-et-fausses-economies.php
Dyslexie et fausses économies
Rima Elkouri
La Presse
C'est une histoire parmi mille qui met en lumière des aberrations de notre système d'éducation. Des aberrations aux conséquences très graves pour de nombreux élèves qui ne manquent pourtant pas de talent.
C'est l'histoire d'Emdadul. Né au Bangladesh, atterri dans le quartier Côte-des-Neiges à l'âge de 9 ans. Un garçon sage et intelligent, au sourire timide. Un garçon dyslexique aussi. Mais cela, durant neuf ans sur les bancs d'école, du primaire au secondaire, aucun intervenant scolaire n'a malheureusement pu le détecter.
Emdadul est passé de classe d'accueil en classe de cheminement particulier sans que personne ne signale quoi que ce soit. Il a accumulé deux ans de retard qui auraient pu être évités. À 15 ans, il était encore en première secondaire à l'école La Voie. Il allait pleurer dans le bureau de la conseillère en orientation. Il était dépressif. Entouré d'élèves beaucoup plus jeunes que lui, il se sentait humilié. L'amour-propre à zéro, Emdadul avait des idées suicidaires. Il dit lui-même que, s'il n'avait pas rencontré Lise, il se serait suicidé.
Lise, c'est Lise L'Heureux, sa bonne étoile. Une femme énergique et dévouée qui était alors une «Grande Soeur» bénévole. L'école a fait appel à elle pour aider Emdadul, qui était visiblement en détresse. Mais Lise, qui s'intéressait de près à la dyslexie, a vite vu l'éléphant qui se cachait derrière cette détresse. Emdadul avait beau récolter des méritas à l'école, il avait aussi de graves difficultés en lecture. À 16 ans, il excellait en mathématiques, mais il ne savait pas que la lettre O faisait le son O. Comment se faisait-il que personne jusque-là ne l'ait remarqué? Comment se fait-il qu'il n'ait pas pu, pendant toutes ces années, recevoir d'aide particulière?
Comme Emdadul est un élève sage, il a passé sous le radar. Ses parents, qui maîtrisent peu le français, ne pouvaient l'aider davantage. Il a eu la chance de tomber sur Lise, qui est devenue son mentor. Depuis trois ans, cette femme qui termine une maîtrise en didactique des langues aide Emdadul non seulement à lire et à écrire, mais aussi à retrouver sa fierté. Grâce à elle, il sait qu'il peut très bien décrocher un diplôme universitaire, même si on a tenté de lui faire croire le contraire.
En décembre 2008, Emdadul a finalement eu son diagnostic de dyslexie à la clinique de psychologie de l'Université de Montréal. «Une fois que j'ai compris que j'étais dyslexique et pas stupide, ça allait mieux», raconte-t-il. Il termine maintenant son secondaire à l'éducation des adultes, où il obtient enfin tout le soutien dont il a besoin.
Comment un élève peut-il ainsi passer à travers les mailles du filet durant tout son secondaire? Réponse aux airs de faux-fuyant du porte-parole de la Commission scolaire de Montréal, Alain Perron: «Nous n'avons pas de données selon lesquelles cet élève est dyslexique.» C'est bien là le problème. Ignorance, incompétence ou indifférence, allez savoir...Chose certaine, entre le discours officiel de la CSDM (qui prétend intervenir efficacement grâce à une équipe multidisciplinaire orthopédagogue-psychologue-orthophoniste) et la réalité (pénurie d'orthophonistes, manque de ressources adaptées, délais inacceptables), il y a un gouffre où se perdent trop d'élèves dont les parents n'ont pas les moyens de se battre ou de se tourner vers le privé.
Bon an, mal an, à la CSDM, les deux tiers des garçons n'ont pas de diplôme d'études secondaires après cinq ans. Les deux tiers! Au Québec, 34% des garçons n'ont aucun diplôme à l'âge de 20 ans. Il est clair qu'un certain nombre parmi eux ont des problèmes spécifiques de lecture qui n'ont pas été détectés, observe Égide Royer, psychologue et chercheur à l'Université Laval.
Le problème est aussi controversé que complexe, comme en témoignent les articles de ma collègue Ariane Lacoursière. Mais il n'est pas insoluble pour autant. Des solutions existent, pour peu que l'on s'y attarde. Les études montrent que l'intervention précoce est la plus efficace. Bien des aménagements peuvent être mis en place, surtout depuis l'avènement des outils technologiques, explique Marie-Danielle Lemieux, intervenante scolaire qui travaille dans le domaine depuis plus de 30 ans. Un plan de rééducation adapté peut faire des miracles. «On reconnaît aujourd'hui qu'il est possible de modifier le patron d'activation cérébrale (plasticité cérébrale) chez les dyslexiques», note-t-elle.
Pourquoi ne pas mettre en place un dépistage systématique dès la première année du primaire, comme cela se fait en Finlande ou en France? «On devrait mettre nos meilleurs enseignants en première année», répète souvent avec raison Égide Royer. Il faut absolument que les enseignants soient formés pour faire du dépistage, ce qui n'est pas le cas en ce moment, déplore-t-il.
Il faudrait aussi abolir la règle absurde qui veut que l'on attende que l'enfant ait deux ans de retard avant d'intervenir. «Attendre jusqu'au début de la troisième année pour intervenir auprès d'un jeune qui a un retard de lecture, c'est prendre un risque énorme», confirme Égide Royer.
Il faudrait aussi redresser la barre à l'école secondaire, où les dyslexiques sont trop souvent laissés à eux-mêmes, sans ressources. Au préscolaire, au primaire et même au collégial, le personnel est davantage sensibilisé au problème.
On dira que ces mesures coûtent trop cher. C'est oublier que le décrochage coûte plus cher encore. Le plus grave, ce n'est pas la dyslexie. Le plus grave, c'est de ne pas s'en occuper. Il reste à espérer que la ministre Michelle Courchesne, qui a refusé de répondre à nos questions en raison du recours collectif lancé par les parents d'élèves dyslexiques, mette fin à ces économies qui n'en sont pas.
[email protected]
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Paru le vendredi 29 janvier 2010 sur Cyberpresse/La Presse
À noter que l'émission Puisqu'il faut se lever au 98.5fm présentait ce matin une entrevue avec madame Rose-Marie Charest, présidente de l'Ordre des psychogues du Québec ainsi qu'un commentaire du Dr Christiane Laberge sur le sujet.
Pour écouter ces extraits
www.985fm.ca/emission/puisquilfautselever/index.html
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www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/education/201001/28/01-944109-dyslexie-querelle-autour-dun-diagnostic.php
Dyslexie: querelle autour d'un diagnostic
Ariane Lacoursière
La Presse
Mère de trois enfants, Claire a toujours su que son fils cadet, Charles (nom fictif), n'était pas comme les autres. Lectrice elle-même, Claire lisait régulièrement des livres à ses petits et leur inculquait des notions de français avant leur entrée à l'école.
«Mais avec mon plus jeune, c'était différent. Je voyais qu'il avait des difficultés», raconte-t-elle.
Dès que Charles entre en première année, les craintes de sa mère se confirment. «Il avait de la difficulté dans ses devoirs. Mais l'école me disait: «Ne vous en faites pas, ça va passer», dit Claire. Mon fils était au bord de la dépression. Il me disait: «Maman, si c'est comme ça, l'école, j'aime mieux mourir.»»
Claire tente d'obtenir de l'aide de l'école, qui relève de la Commission scolaire de Montréal (CSDM). «Je voulais consulter une orthophoniste. Mais je me faisais répondre: «Il faut que votre fils accumule au moins deux ans de retard avant d'avoir ce service.»»
Incapable d'accepter que son fils perde tout ce temps, Claire consulte un neuropsychologue en cabinet privé. Le diagnostic tombe rapidement: son fils souffre de dyslexie. «À partir de ce moment, on l'a envoyé consulter une orthophoniste», raconte Claire, qui estime avoir dépensé plus de 1000 $ dans l'aventure. «C'est terrible de ne pas pouvoir compter sur l'école! Nous avions de l'argent, mais comment font les familles pauvres? L'enfant attend, il se décourage et il décroche»
Des cas comme celui de Charles sont fréquents au Québec, selon Marie-Claude Béliveau, orthopédagogue et psychoéducatrice à l'hôpital Sainte-Justine: «Les écoles prétendent souvent qu'il faut une conclusion de dyslexie avant d'avoir des services. Or, c'est faux. Plusieurs parents se font aussi dire que leur enfant doit accumuler deux ans de retard avant d'obtenir de l'aide. Pour le développement de l'enfant, c'est terrible.»
Le porte-parole de la CSDM, Alain Perron, assure que les élèves reçoivent des services même s'ils n'ont pas de diagnostic de dyslexie: «Nous faisons de la signalisation continue. Dès que quelque chose est noté, on intervient auprès de l'enfant.»
L'intervention ciblée pour la dyslexie ne peut toutefois se déployer que lorsque le diagnostic tombe. Or, actuellement, au Québec, il peut s'écouler plusieurs années avant que les écoles soient en mesure de fournir cette réponse. Jugeant inacceptable que le dépistage de la dyslexie ne puisse se faire dès la maternelle, des parents ont intenté un recours collectif contre le ministère de l'Éducation (MELS) et plusieurs commissions scolaires en 2005.
La cause étant devant les tribunaux, la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, a refusé de commenter le présent dossier.
Conflit entre ordres professionnels
Si plusieurs écoles tardent à offrir du soutien aux élèves dyslexiques, c'est que les services manquent, estime Mme Béliveau. «Certains enfants n'ont que 30 minutes d'orthophonie aux neuf jours!» Elle déplore aussi le fait qu'un conflit entre ordres professionnels a entraîné beaucoup de confusion dans les milieux scolaires. Qui peut conclure qu'un enfant est dyslexique? Une question qui semble banale, mais qui cause bien des maux de tête.
Au Québec, la loi 90 réserve aux orthophonistes «l'évaluation des troubles du langage, de la parole et de la voix dans le but de déterminer le plan de traitement et d'intervention orthophoniques». Les orthophonistes interprètent cette loi en disant qu'elle leur donne l'exclusivité sur toute conclusion de dyslexie.
Les psychologues et les orthopédagogues, qui diagnostiquent la dyslexie depuis des années, se sont vivement opposés à cette interprétation.
Pour calmer les esprits, le gouvernement a adopté la loi 21 l'été dernier. «Cette loi souligne que personne ne peut empêcher un professionnel de diagnostiquer dans son champ de compétence, et ce, même s'il y a des champs réservés. Donc, dans les faits, rien n'empêche les psychologues et les orthopédagogues de poser une conclusion de dyslexie», indique la présidente de l'Ordre des psychologues du Québec, Rose-Marie Charest.
Urgence d'agir
Mais certaines commissions scolaires exigent toujours l'avis d'un orthophoniste avant d'offrir des services aux enfants dyslexiques, affirme Mme Charest. «Chaque mois compte dans le développement des enfants. Qu'il y ait des délais, moi, je n'accepte pas ça.»
La porte-parole du conseil d'administration de l'Association des orthopédagogues du Québec, Carole Boudreault, confirme que les marches à suivre dans les commissions scolaires «varient grandement d'une région à l'autre». «Certaines acceptent nos conclusions, d'autres exigent une orthophoniste, dit-elle. Tout le monde est confus.»
Par exemple, à la Commission scolaire de Montréal, il faut la signature d'une orthophoniste, d'une orthopédagogue et d'une psychologue. «Les trois doivent rendre un avis», confirme le porte-parole Alain Perron
Même le MELS exige parfois exclusivement le sceau d'une orthophoniste. C'est le cas des enfants qui arrivent au secondaire et demandent une subvention pour l'achat d'un ordinateur, un outil indispensable pour certains jeunes dyslexiques. Il y a quelques semaines, Mme Charest a écrit au MELS pour dénoncer la situation. «On ne sait pas sur quoi le gouvernement se base pour faire ça», dit-elle.
La présidente de l'Ordre des orthophonistes du Québec, Marie-Pierre Caouette, reconnaît qu'il y a «beaucoup de confusion». «D'autant plus que le seul moyen d'avoir accès aux services, c'est d'avoir une étiquette, dit-elle. Or, souvent, les écoles se cachent derrière ça. Pas besoin d'avoir une conclusion officielle pour agir auprès d'un enfant.»
Mme Caouette reconnaît que même le MELS exige parfois l'avis d'un orthophoniste. Mais selon elle, cette décision n'est pas nuisible. «Prenons l'exemple de l'ordinateur. C'est un outil parmi tant d'autres. Ce n'est pas une panacée. Mais les parents sont très prompts à le demander. Si tout le monde pouvait signer cet avis, le gouvernement aurait trop de demandes et abolirait carrément ce service», croit Mme Caouette.
Même si elle pense que la conclusion de dyslexie doit «s'établir en équipe», Mme Caouette estime qu'il serait périlleux de prendre une décision sans une orthophoniste.
Mme Charest déplore cette position. «Il faut arrêter de mettre un frein à l'accessibilité. Plus on est de spécialistes dans ces dossiers, mieux c'est. Le sceau final devrait pouvoir être apposé par tous», croit-elle.
Les orthophonistes, les psychologues et les orthopédagogues travaillent actuellement de concert à l'élaboration d'un Guide interprétatif de la loi pour régler la question du dépistage de la dyslexie.
En attendant, la confusion règne toujours dans les écoles.
* Le terme «diagnostic» a été utilisé dans ce texte pour faciliter la compréhension. La loi réserve cet acte aux médecins. Dans le cas des orthophonistes, des orthopédagogues et des psychologues, le terme «conclusion» est généralement utilisé
Publié le 29 janvier 2010 à 06h50 | Mis à jour à 06h50 La Presse
Source
www.cyberpresse.ca/opinions/chroniqueurs/rima-elkouri/201001/29/01-944156-dyslexie-et-fausses-economies.php
Dyslexie et fausses économies
Rima Elkouri
La Presse
C'est une histoire parmi mille qui met en lumière des aberrations de notre système d'éducation. Des aberrations aux conséquences très graves pour de nombreux élèves qui ne manquent pourtant pas de talent.
C'est l'histoire d'Emdadul. Né au Bangladesh, atterri dans le quartier Côte-des-Neiges à l'âge de 9 ans. Un garçon sage et intelligent, au sourire timide. Un garçon dyslexique aussi. Mais cela, durant neuf ans sur les bancs d'école, du primaire au secondaire, aucun intervenant scolaire n'a malheureusement pu le détecter.
Emdadul est passé de classe d'accueil en classe de cheminement particulier sans que personne ne signale quoi que ce soit. Il a accumulé deux ans de retard qui auraient pu être évités. À 15 ans, il était encore en première secondaire à l'école La Voie. Il allait pleurer dans le bureau de la conseillère en orientation. Il était dépressif. Entouré d'élèves beaucoup plus jeunes que lui, il se sentait humilié. L'amour-propre à zéro, Emdadul avait des idées suicidaires. Il dit lui-même que, s'il n'avait pas rencontré Lise, il se serait suicidé.
Lise, c'est Lise L'Heureux, sa bonne étoile. Une femme énergique et dévouée qui était alors une «Grande Soeur» bénévole. L'école a fait appel à elle pour aider Emdadul, qui était visiblement en détresse. Mais Lise, qui s'intéressait de près à la dyslexie, a vite vu l'éléphant qui se cachait derrière cette détresse. Emdadul avait beau récolter des méritas à l'école, il avait aussi de graves difficultés en lecture. À 16 ans, il excellait en mathématiques, mais il ne savait pas que la lettre O faisait le son O. Comment se faisait-il que personne jusque-là ne l'ait remarqué? Comment se fait-il qu'il n'ait pas pu, pendant toutes ces années, recevoir d'aide particulière?
Comme Emdadul est un élève sage, il a passé sous le radar. Ses parents, qui maîtrisent peu le français, ne pouvaient l'aider davantage. Il a eu la chance de tomber sur Lise, qui est devenue son mentor. Depuis trois ans, cette femme qui termine une maîtrise en didactique des langues aide Emdadul non seulement à lire et à écrire, mais aussi à retrouver sa fierté. Grâce à elle, il sait qu'il peut très bien décrocher un diplôme universitaire, même si on a tenté de lui faire croire le contraire.
En décembre 2008, Emdadul a finalement eu son diagnostic de dyslexie à la clinique de psychologie de l'Université de Montréal. «Une fois que j'ai compris que j'étais dyslexique et pas stupide, ça allait mieux», raconte-t-il. Il termine maintenant son secondaire à l'éducation des adultes, où il obtient enfin tout le soutien dont il a besoin.
Comment un élève peut-il ainsi passer à travers les mailles du filet durant tout son secondaire? Réponse aux airs de faux-fuyant du porte-parole de la Commission scolaire de Montréal, Alain Perron: «Nous n'avons pas de données selon lesquelles cet élève est dyslexique.» C'est bien là le problème. Ignorance, incompétence ou indifférence, allez savoir...Chose certaine, entre le discours officiel de la CSDM (qui prétend intervenir efficacement grâce à une équipe multidisciplinaire orthopédagogue-psychologue-orthophoniste) et la réalité (pénurie d'orthophonistes, manque de ressources adaptées, délais inacceptables), il y a un gouffre où se perdent trop d'élèves dont les parents n'ont pas les moyens de se battre ou de se tourner vers le privé.
Bon an, mal an, à la CSDM, les deux tiers des garçons n'ont pas de diplôme d'études secondaires après cinq ans. Les deux tiers! Au Québec, 34% des garçons n'ont aucun diplôme à l'âge de 20 ans. Il est clair qu'un certain nombre parmi eux ont des problèmes spécifiques de lecture qui n'ont pas été détectés, observe Égide Royer, psychologue et chercheur à l'Université Laval.
Le problème est aussi controversé que complexe, comme en témoignent les articles de ma collègue Ariane Lacoursière. Mais il n'est pas insoluble pour autant. Des solutions existent, pour peu que l'on s'y attarde. Les études montrent que l'intervention précoce est la plus efficace. Bien des aménagements peuvent être mis en place, surtout depuis l'avènement des outils technologiques, explique Marie-Danielle Lemieux, intervenante scolaire qui travaille dans le domaine depuis plus de 30 ans. Un plan de rééducation adapté peut faire des miracles. «On reconnaît aujourd'hui qu'il est possible de modifier le patron d'activation cérébrale (plasticité cérébrale) chez les dyslexiques», note-t-elle.
Pourquoi ne pas mettre en place un dépistage systématique dès la première année du primaire, comme cela se fait en Finlande ou en France? «On devrait mettre nos meilleurs enseignants en première année», répète souvent avec raison Égide Royer. Il faut absolument que les enseignants soient formés pour faire du dépistage, ce qui n'est pas le cas en ce moment, déplore-t-il.
Il faudrait aussi abolir la règle absurde qui veut que l'on attende que l'enfant ait deux ans de retard avant d'intervenir. «Attendre jusqu'au début de la troisième année pour intervenir auprès d'un jeune qui a un retard de lecture, c'est prendre un risque énorme», confirme Égide Royer.
Il faudrait aussi redresser la barre à l'école secondaire, où les dyslexiques sont trop souvent laissés à eux-mêmes, sans ressources. Au préscolaire, au primaire et même au collégial, le personnel est davantage sensibilisé au problème.
On dira que ces mesures coûtent trop cher. C'est oublier que le décrochage coûte plus cher encore. Le plus grave, ce n'est pas la dyslexie. Le plus grave, c'est de ne pas s'en occuper. Il reste à espérer que la ministre Michelle Courchesne, qui a refusé de répondre à nos questions en raison du recours collectif lancé par les parents d'élèves dyslexiques, mette fin à ces économies qui n'en sont pas.
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